Esperanza

Cheveux blond-châtain en chignon, style décoiffé à l’avant, la frange faussement tombante accentuait un ovale parfait. Elle avait le teint pâle avec deux pommettes vermeilles. Elle se nommait Christine Caheda Bouchon-Guy. La professeure nous rendait nos copies et donc nos notes dans l’ordre croissant. « Les derniers seront les premiers » avait chanté à tue-tête Céline Dion ici, sa chanson était bizarrement trop vraie.

Cette femme de petite taille avec un corps de plume, toujours vêtue d’une robe ou d’une jupe : Christine Caheda. Elle avait le sens, les traits de l’amour des mots et de leurs auteurs. Il était dit qu’elle était docteur en lettres. Il était dit qu’elle avait un compagnon de quinze ans son cadet. Elle continuait à distribuer nos copies. Nous priions pour être le plus possible dans les copies qui seraient distribuées à la fin. Cette femme, qui déambulait dans les deux allées séparaient les trois rangées d’élèves que nous étions, était celle qui avait rapporté de ses vacances d’été depuis le Festival d’Avignon, une kyrielle de pancartes, d’affichettes, de flyers, de plaquettes et de cartes de toutes les représentations qui avaient eu lieu et dont on lui avait donné la publicité. Chargée comme une bourrique, elle avait sorti, lors de notre premier cours avec elle, vingt-cinq sacs jaunes pour chacun des élèves que nous étions. Chacun notre tour, elle nous avait parlé de toutes les représentations illustrées par l’image devant nos yeux.

Le festival d’Avignon est l’une des plus importantes manifestations internationales du spectacle vivant contemporain. Il a été fondé en 1947 par Jean Vilar. Mme Caheda Bouchon-Guy était bien entendu la professeure de théâtre du lycée : personne dans ce lycée ne pouvait être aussi investi dans sa tâche d’éducation. Notre réussite disait-elle, était pour elle sa satisfaction.