Reconnaissance plutôt que déni
Le 2 octobre 2025, la Corée du Sud a franchi un pas historique. Pour la première fois, l’État a reconnu sa responsabilité dans l’adoption abusive de dizaines de milliers d’enfants envoyés à l’étranger, souvent via des procédures frauduleuses. À travers des excuses publiques, il a admis que les souffrances vécues par les adoptés et leurs familles – biologiques comme adoptives – relèvent d’une responsabilité collective et politique.
Cet aveu n’est pas seulement un geste symbolique. Il marque une rupture : reconnaître que derrière les promesses d’avenir meilleur se cachaient falsifications, identités volées et consentements ignorés. La mémoire de plus de 140 000 enfants coréens envoyés entre 1955 et 1999 trouve enfin un écho institutionnel. C’est une étape de vérité, essentielle pour panser les blessures et redonner dignité aux récits étouffés.
Et la France ?
Depuis les années 1960, plus de 120 000 enfants ont été adoptés internationalement sur le territoire français. Parmi eux, beaucoup portent les stigmates d’un système où l’opacité, les irrégularités administratives et les pressions exercées sur les familles d’origine n’étaient pas des exceptions mais des pratiques fréquentes. Les témoignages accumulés – qu’ils prennent la forme de livres, d’enquêtes journalistiques, de recherches académiques ou de films – convergent : il y a eu des manquements graves, parfois intentionnels, qui appellent à être reconnus.
Le silence de l’État français sur ces questions ne peut plus durer. Le déni ne protège ni les institutions ni les familles : il alourdit au contraire le poids porté par les adoptés, contraints de vivre dans une fracture intime entre récit officiel et réalité vécue.
L’exemple sud-coréen montre que la reconnaissance n’affaiblit pas une nation : elle la renforce. Elle prouve qu’un État peut affronter ses responsabilités, sans craindre que la vérité fragilise son image. Au contraire, c’est dans l’aveu et la réparation que se joue la confiance.
En France, des milliers d’adoptés et de familles attendent ce moment. Ils ne demandent pas l’impossible : simplement que soit reconnue une histoire occultée, et que justice mémorielle soit rendue.
Reconnaître, c’est offrir un chemin vers la réparation. Reconnaître, c’est refuser que d’autres générations portent le fardeau du mensonge. Reconnaître, c’est ouvrir l’avenir.
La France doit choisir. Reconnaissance, ou déni.